Vendredi 24 Octobre - 2/3

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Il restait un peu moins de quinze minutes avant la reprise des cours

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Il restait un peu moins de quinze minutes avant la reprise des cours. Dans sa grande bienveillance envers la réussite des T-S*, leur professeur de Physique-Chimie avait décidé de leur donner un dernier contrôle avant les vacances de la Toussaint. Les plus gouailleurs de sa classe avaient bien essayé d'esquiver la corvée en invoquant la surcharge de travail pour Monsieur Gœssens, avec toutes ces copies à corriger. Amusé, ce dernier avait répondu qu'il leur préparerait une de ses spécialités infaisables en une heure, de sorte qu'il ait majoritairement des feuilles à peine remplies et qu'il puisse jouir pleinement aussi des jours de repos imposés par l'Éducation Nationale.

Tout le monde avait ri jaune. Nathan savait que derrière les lunettes à écailles de Gœssens se cachait un immonde sadique. Il s'attendait effectivement à un contrôle infaisable, mais il n'était pas décidé à laisser baisser sa moyenne sur un caprice de prof. Aussi, à peine son yaourt avalé, il était allé chercher son sac pour des révisions de dernière minute. Le nez dans son livre, il remontait lentement vers le bâtiment C.

Sainte Marie du Port était un vieux lycée de la fin des années '60 qui avait reçu nombre d'extensions au fur et à mesure des décennies. Les bâtiments A et B étaient les plus anciens ; le premier accueillant le secrétariat et le département administratif, le second des salles de cours sur trois étages. Le C avait été ajouté au début des années '80 pour faire face à l'augmentation de la demande. Celui-ci accueillait notamment au rez-de-chaussée les cinq salles dédiées aux sciences physiques, dont trois laboratoires d'expérience. Si l'on exceptait les dortoirs, le plus récent ajout au lycée était le bâtiment avec la cafétéria, le CDI, le préau couvert et un amphithéâtre rarement utilisé, sinon pour les journées portes ouvertes. C'était également le bâtiment qu'on voyait le mieux depuis la route attenante, celui sur lequel on avait peint en gros le logo de l'école. Étrangement, il ne portait pas la lettre D ; les étudiants désignaient le lieu par ses fonctions principales : la cafèt' ou le CDI.

Nathan connaissant le chemin par cœur, il n'eut pas besoin de regarder où ses pas le guidaient. À dix minutes de la sonnerie, il n'avait pas à craindre de rentrer dans quelqu'un par inadvertance non plus. À l'entrée du bâtiment se trouvait le bureau du surveillant général, le « Sur-Gé » comme les élèves l'appelaient. Monsieur Barrateau, un petit homme maigre avec une moustache qui pouvait passer pour un type sympa jusqu'à ce qu'il se mette à vous aboyer dessus. Sa porte était toujours ouverte et les rideaux de sa fenêtre toujours tirés de sorte qu'il puisse voir qui arrivait dans le bâtiment, surtout après le début des cours. Sans surprise, il était derrière son bureau, le nez dans des billets d'absence et des carnets de correspondance. Il jeta un vague regard sur l'étudiant perdu, reconnut Nathan et retourna aussitôt à ses affaires. Plongé dans ses équations d'oxydoréduction, le Terminale ne s'aperçut même pas qu'il était presque à destination en passant devant Monsieur Barrateau. Dans le tout petit hall d'entrée, les élèves pouvaient trouver un grand tableau blanc sur lequel le Sur-Gé inscrivait les informations importantes et les professeurs exceptionnellement absents. À sa gauche, un autre tableau en liège était majoritairement accaparé par des demandes de soutien scolaire et des petites annonces. Une dernière porte menait à l'infirmerie, si rarement utilisée que Nathan l'imaginait plutôt comme un placard à balais qui aurait reçu la mauvaise pancarte.


Il tourna dans le premier couloir à droite, celui dédié à la Physique-Chimie. L'année dernière, la directrice avait cédé pour que les élèves aient accès à des casiers personnels. Le corridor ne pouvait en accueillir que cinquante. Moins d'un élève sur dix avait donc accès à un box pour ranger ses affaires, le plus souvent un casque d'un scooter.

L'alarme incendie le tira violemment de ses équations. Il ne l'entendait qu'une fois par an, à l'occasion de l'exercice de prévention obligatoire. Assourdissante, elle explosait les tympans, surtout au rez-de-chaussée où avait été fixée la cloche martelée à haute fréquence. Il n'eut même pas le temps de porter les mains sur ses oreilles pour adoucir la mélopée stridente qu'on le bouscula violemment contre les casiers. Sa tête heurta le coin du meuble et il s'écroula par terre, le visage tordu de douleur.

Juste avant que les portes coupe-feu ne se ferment, il aperçut une paire de Doc Marteens - modèle Union Jack - courir et sauter dans les escaliers. Pris dans l'élaboration de son méfait et dans l'excitation de son accomplissement, celui qui avait déclenché l'alarme ne s'était aperçu de la présence de Nathan qu'au moment de lui rentrer dedans. Tomber nez-à-nez avec un premier de la classe zélé ne devait pas faire partie de ses plans mais ne remettait nullement en cause une fuite éperdue vers les étages supérieurs que personne ne penserait à fouiller.

 Tomber nez-à-nez avec un premier de la classe zélé ne devait pas faire partie de ses plans mais ne remettait nullement en cause une fuite éperdue vers les étages supérieurs que personne ne penserait à fouiller

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Nathan se releva tant bien que mal, sonné par son coup sur la tête et par une cloche qui rajoutait une migraine par-dessus. Appuyé contre le meuble des casiers, la tête lui tournait et il luttait pour ne pas s'évanouir.

Barrateau parvint à forcer les portes à fermeture automatique et marcha d'un air mauvais jusqu'à l'élève jugé sans procès, l'attrapant par la peau du cou pour prévenir toute fuite. Il s'époumona aussitôt sur Nathan, qui n'entendait rien entre l'alarme stridente. Le Terminale pouvait en revanche apprécier les yeux furieux du Sur-Gé et les postillons rageurs crachés sur sa joue.

La poigne du surveillant s'affermit, et Nathan fut traîné jusque dans le bureau du proviseur.

Il aurait préféré s'évanouir.

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