Chapitre 1 : Jubilée (1/4)

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Cette journée n'avait pas commencé sous les meilleurs auspices. Et jamais je n'aurai pu imaginer qu'elle puisse finir aussi mal. L'air grisant du matin d'automne me giflait le visage pendant que j'auscultai les sillons du champ. Il fallait m'assurer que le travail avait été fait dans les règles avant de pouvoir planter les semis. Trop occupé à regarder la terre, je n'entendis que trop tard le hurlement de Bent provenant de l'autre côté du champ.


— Ézékiel ! Fais gaffe !


Je me retournai d'un mouvement brusque. J'étais si habitué aux bruits des pistons et des ressorts que je n'avais pas entendu le cheval arriver vers moi. La bête avançait à toute allure, faisant grincer son exosquelette de métal. La terre formait un nuage épais autour de ses sabots d'acier. Je me jetai sur le sol d'un bond pour l'éviter. L'animal mécanique me frôla d'une dizaine de centimètres et les grincements de la bête couvrirent les cris de mes collègues que je voyais gesticuler au loin. Il était devenu hors de contrôle. Un morceau de bride frôla mon visage. Sans réfléchir, je m'y accrochai. J'avais sous-estimé la vitesse de l'équidé qui manqua de me déboîter l'épaule en me tirant avec lui. Je roulai sur moi-même, mais tins la sangle avec force. Le cheval de métal m'emporta en me traînant contre la terre du champ qu'il était censé labourer. Mes cuisses et mon torse se parsemèrent d'éraflures qui me firent siffler de douleur. J'agrippai la selle et me hissai en hurlant pour me donner du courage. Mon bras se tendit en direction de la tête et j'appuyai de toutes mes forces sur le bouton qui se trouvait entre les deux oreilles. L'animal émit un hennissement métallique et s'éteignit. Il ralentit sa course avant de se stopper et de se mettre en état de repos. Je me laissai chuter au sol, haletant et hagard.


— Zek ! Est-ce que ça va ?


— Y bouge plus. J'crois qu'tu l'as tué...


Deux silhouettes s'approchèrent de moi, mais j'étais trop occupé à reprendre mon souffle pour leur prêter attention.


— Crétin, tu vois bien qu'il est vivant, il respire comme un bœuf.


— Bah j'pensais que vu l'accident qu'il avait eu... bah il s'en sortirait pas cette fois.


Mon sang ne fit qu'un tour alors que je me rendis compte qu'ils parlaient de moi. Je secouai la tête afin de me remettre de mes émotions. Mes yeux se posèrent sur les deux hommes. C'était Cal et Bent, mes collègues.


— Aidez-moi à me lever au lieu de raconter des sornettes, intimai-je. Vous n'êtes pas payé à tuer des gens à ce que je sache.


Un bras me saisit, celui de Cal. La montagne de muscle me tira sans difficulté et me remit debout. J'époussetai mon pantalon et ma veste recouverts de terre en grognant. Les racheter allait me coûter une fortune. Je levai la tête. Cal et Bent m'observaient sans rien dire. Ils semblaient avoir peur de ma réaction. C'était presque amusant de voir les petits yeux de Cal, cette force de la nature, tirer son visage en une moue inquiète. Bent, lui, regardait le sol sans rien dire, grattant ses cheveux roux et bouclés.


— On est désolé, lança Cal dans un murmure. C'était pas voulu...


— Encore heureux, répondis-je agacé.


Je me tournais vers le cheval qui était devenu immobile, les pattes tendues.

L'ombre mécaniqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant